• PUBLIÉ LE 07/04/2016 À 16H44par A. S.

    image

    Le projet de loi Travail a été considérablement modifié par les députés de la commission des affaires sociales. Rien n’est définitf, le texte n’en étant qu’au tout début de son parcours législatif. Revue des principaux amendements.

    Quelles modifications du projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » faut-il retenir à l’issue de son examen en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ? Sur les 1053 amendements déposés à l’ouverture des débats le 5 avril, 257 ont été adoptés, dont 201 du rapporteur Christophe Sirugue, très soucieux de veiller à l’équilibre du texte.

    Une réécriture du code à droits constants

    Le député socialiste de Saône-et-Loire s’est notamment attaché à désamorcer la polémique autour de la place et de la portée des principes issus de la commission Badinter. Le patronat avait fait un casus belli de ces 61 principes de droit positif – c’est-à-dire qui s’appliquent aujourd’hui en France, qu’ils soient issus de la Constitution, du droit européen ou international ou de la jurisprudence. Initialement prévus au préambule du nouveau code du travail, ils avaient finalement été relégués au rôle d’éclairage des travaux de la commission chargée de réécrire le code. À l’issue de l’examen en commission des affaires sociales, ces principes ont été supprimés du projet de loi. « La volonté du rapporteur de faire travailler la commission à droit constant – au moins en ce qui concerne les mesures supplétives – [autre amendement adopté en commission] rend inutile d’introduire des principes, pour encadrer ses travaux », s’est justifié Christophe Sirugue qui n’exclut pas qu’ils réintègrent à l’avenir le préambule du code du travail ou soient adossés à la Constitution « sur le modèle de la charte de l’environnement ». Pour la CFDT, c’est là une occasion manquée de conférer davantage de pédagogie et de clarté au droit du travail au bénéfice des salariés et des employeurs, sans compter que les principes Badinter permettaient d’élargir le champ du droit du travail à tous les travailleurs (et pas seulement aux salariés). Pour le reste, les députés ont réinscrit un délai de deux ans pour le rendu des travaux de ladite commission, qui devra respecter une stricte parité femmes-hommes et associer, les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national interprofessionnel et – c’est nouveau – multiprofessionnel.

    Lutte contre le harcèlement et le sexisme

    Les députés ont introduit un nouveau chapitre (1er bis), intitulé « Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ». Désormais, le salarié harcelé ne devra plus « établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement » mais « présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence » d’un harcèlement, comme c’est déjà le cas en matière de discrimination. Trois autres amendements visent à renforcer la lutte contre les agissements sexistes : information des salariés au sein du règlement intérieur, établissement par l’employeur de mesures de prévention en termes d’hygiène et de sécurité au travail et extension du champ de compétence du CHSCT à la prévention contre les agissements sexistes.

    Du mieux sur le temps de travail et les congés

    En matière de temps de travail, le rapporteur Christophe Sirugue a fait rétablir les obligations de d’information et de consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel en cas de dérogation administrative à la durée maximale hebdo de 48h pour circonstances exceptionnelles et de dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, qui n’avaient pas été rétablies dans la V2 de l’avant-projet de loi. C’était là une demande de la CFDT. De même, les députés ont rétabli la responsabilité de l’employeur lorsque le salarié n’a pas pu bénéficier de ses repos et congés dans le cadre du forfait jour. La CFDT avait mis en exergue la « jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle il relève de la responsabilité de l’employeur d’assurer la prise des congés par les salariés ». Enfin, la mention du code du travail selon laquelle le salarié licencié pour faute lourde ne bénéficie pas d’indemnité compensatrice de congé payé a été retirée. Cet amendement met le code du travail en conformité avec la décision du Conseil Constitutionnel du 2 décembre 2015 qui jugeait cette disposition inconstitutionnelle car portant atteinte au droit à repos et au droit à la protection de la santé, ainsi qu’au principe d’égalité. Enfin, en ce qui concerne les congés, un amendement augmente de deux à cinq jours du congé en cas de décès d’un enfant – une véritable amélioration du droit existant. Autre avancée, l’allongement de la protection des salariés jeunes parents contre le licenciement : celle-ci passe de quatre à dix semaines, à partir du retour de congé maternité (ou des congés payés s’ils y sont accolés) pour les femmes et de la naissance de l’enfant pour les hommes.

    Report de la publicité des accords collectif

    Le projet de loi prévoit de renforcer la publicité des accords collectifs : ceux-ci seront publiés dans une base de données nationale en ligne. Mais dans sa version initiale, il prévoyait que l’employeur puisse s’opposer à la publication d’un accord « s’il estime que sa diffusion serait préjudiciable à l’entreprise », sans autre forme de justification. Alors que la CFDT avait souhaité que la non publication d’un accord puisse être l’un des éléments de la négociation, les députés ont élargi la possibilité de s’y opposer à l’ensemble des signataires – ce qui ne va pas dans le sens d’une plus grande transparence. Qui plus est, ils ont reporté l’entrée en vigueur de cette publication au 1erseptembre 2017 « pour laisser le temps de mettre en place la base de données nationale qui accueillera les accords ». Un délai que la CFDT juge trop long ; elle préconise de le ramener au 1erjanvier 2017, date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de négociation.

    Bilan avant généralisation des règles de validation des accords collectifs

    Les députés ont repoussé la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de validité des accords collectifs (accord validé à 50% ou à 30% avec consultation des salariés) portant sur la durée du travail, les repos, les congés et les accords de préservation ou de développement de l’emploi au 1erjanvier 2017 (et non à la promulgation de la loi comme initialement prévu). De même, ils sont revenus sur la quasi-généralisation de ces règles au 1er septembre 2019 : le texte prévoit désormais que dans un délai de deux ans, le gouvernement remette un rapport pour faire le bilan de l’application de ces nouvelles règles et étudier leur généralisation. Si l’accord est signé par des organisations représentant 30%, elles auront un délai d’un mois pour réclamer une consultation des salariés, qui devra être organisée sous deux mois au maximum. Enfin, ils ont étendu ces nouvelles règles de la négociation collective aux chambres d’agriculture. C’était une demande de la Fédération générale de l’agroalimentaire CFDT.

    Encadrement des accords sur l’emploi

    Au terme de longs débats, la commission des affaires sociales a adopté six amendements concernant les accords de préservation ou de développement de l’emploi. Le premier prévoit l’obligation pour l’employeur de transmettre aux organisations syndicales de salariés « toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé » en amont de la négociation ; le préambule de l’accord devra par ailleurs obligatoirement préciser les principaux objectifs poursuivis par l’accord. Le rapporteur Christophe Sirugue a également introduit un amendement spécifiant que de tels accords ne pourront être négociés, en l’absence de délégué syndical, qu’avec un ou des salariés mandatés par une organisation syndicale « et non avec un élu du personnel qui ne serait pas mandaté » comme le réclamait le patronat. Comme le souhaitait la CFDT, un amendement précise que l’accord devra définir « les modalités de prise en compte de la situation des salariés invoquant une situation personnelle et familiale incompatible avec les aménagements de l’organisation du travail et des conditions de travail » qu’il prévoit, ainsi que les modalités d’information des salariés quant à l’application de l’accord et à ses conditions de suivi. Autre demande de la CFDT satisfaite : les entreprises dépourvues de comité d’entreprise auront aussi la possibilité de recourir à une expertise pour assister les négociateurs de tels accords. Enfin, un amendement fixe à cinq ans la durée de tels accords, si celle-ci n’est pas définie dans l’accord. La nature du licenciement du salarié qui refuse la modification de son contrat de travail induite par l’accord a fait l’objet d’âpres débats. Au final, le texte prévoit en l’état que le licenciement « repose sur une cause réelle et sérieuse et est prononcé selon les modalités de la procédure au licenciement individuel pour motif économique ». Il reviendra au débat en séance publique de déterminer le type d’accompagnement accordé aux salariés concernés.

    Pas de recul sur les moyens du dialogue social

    Concernant l’article 12 sur l’articulation de la négociation entre entreprise et groupe, la commission des affaires sociales a précisé que « les entreprises comprises dans le périmètre d’un groupe ne seront exonérées de leurs obligations de négocier que si la négociation menée au niveau du groupe a permis la conclusion d’un accord ». La CFDT était globalement très réservée sur cet article, souhaitant qu’un accord de méthode permette de déterminer cette articulation. À souligner, aucun amendement n’a été adopté concernant l’article 16 du projet de loi, qui augmente de 20% le nombre d’heures de délégation ni l’article 18 qui permet d’utiliser le budget de fonctionnement du comité d’entreprise pour financer la formation des délégués du personnels et syndicaux. En revanche, le rapporteur a souhaité sécuriser le recours à l’expertise CHSCT, mise en péril par une récente décision du Conseil constitutionnel. Un amendement prévoit ainsi que « l’employeur peut contester le coût prévisionnel d’une expertise dès le début de la procédure, s’il dispose d’informations en la matière, sans attendre la remise du rapport d’expertise et la facture correspondante » ; un autre encadre « dans un délai de quinze jours la saisine du juge judiciaire par l’employeur, lorsque ce dernier souhaite contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, l’étendue ou le délai de l’expertise ».

    La représentativité patronale en suspens

    Enfin, la commission des affaires sociales a supprimé l’article 19 relatif à la représentativité patronale. Celui-ci supprimait les dispositions issues de la loi du 5 mars 2014 fondées sur le nombre d’entreprises adhérentes (favorable aux petites entreprises) pour reprendre la position commune CGPME-Medef qui favorisait la prise en compte du nombre de salariés (à 80%). Les autres organisations patronales étaient vent debout contre ce nouveau dispositif. Les députés de la commission des affaires sociales ont appelé les organisations patronales à trouver un accord d’ici l’examen en séance public qui débutera le 3 mai prochain.

     

    Le CPA ouvert aux retraités

     

    En ce qui concerne le compte personnel d’activité, les députés de la commission des affaires sociales ont suivi ceux de la commission des affaires économiques en ouvrant le bénéfice du CPA aux retraités (c’était une préconisation du rapport de France Stratégie), jugeant légitime que ceux-ci puissent bénéficier à plein du compte engagement citoyen. Une évolution qui n’est pas sans soulever des questions, notamment sur le sort à réserver aux droits acquis par la personne lors de son décès, qui constitue le nouvel horizon de clôture du compte (et non la retraite, comme le prévoyait le projet de loi initial). Les députés ont également réaffirmé le principe de la portabilité des droits inscrits sur le CPA, selon leurs modalités propres, et inscrit noir sur blanc celui de la fongibilité (la possibilité de convertir des droits en d’autres).

     

    aseigne@cfdt.fr


  • Réfugiés : le mouvement syndical condamne l’accord Union européenne-Turquie

    PUBLIÉ LE 30/03/2016 À 08H54par Didier Blain

    image

    L’accord qui prévoit un échange de réfugiés « un pour un » est « indigne d’une politique européenne », affirme la CFDT. Il démontre l’absence de volonté commune des pays de l’Union de prendre en compte la dimension humanitaire du problème des réfugiés.

    « Avec cet accord, une fois de plus, la question des réfugiés est vue sous l’angle de la menace qu’ils représenteraient alors que ce sont d’abord et avant tout des victimes. » Ce propos d’Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT chargé des dossiers européens et internationaux, résume bien l’impasse dans laquelle l’Union européenne s’est placée en validant cet accord avec la Turquie. Une position totalement partagée par Luca Visentini, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats pour qui « l’Europe ferme ses portes. Les dirigeants européens ont décidé que les victimes de guerre doivent aller vivre ailleurs. Ils offrent de l’argent à la Turquie et à d’autres afin de garder les réfugiés en dehors de l’UE, sans même insister pour qu’ils vivent dans des conditions décentes ». Mais que contient exactement cet accord ? Il prévoit que la Turquie accueille les réfugiés (ou migrants économiques) qui tentent de se rendre en Grèce puis en Europe du Nord. En échange, les Européens accueilleraient un nombre équivalent – le fameux « un pour un » – de réfugiés présents sur le sol turc dans le cadre d’un mécanisme organisé et dans la limite maximum de 72 000 personnes.

    Europe DemandesAsile

    Contraire aux valeurs européennes

    Immédiatement, des voix, dont celle de l’Onu et du mouvement syndical, se sont élevées pour contester la légalité du procédé et l’abandon du droit d’asile. Mais la Commission européenne se défend en affirmant qu’il suffit que la Grèce reconnaisse la Turquie comme « un pays tiers sûr » pour que la procédure de renvoi, individuelle et non collective, devienne légale et le droit d’asile respecté. Pour Frans Timmermans, le vice-président de la Commission, cette procédure serait même « l’occasion de briser le modèle économique des passeurs ». « Au-delà du débat juridique, légale ou pas, cette procédure utilisant les réfugiés comme monnaie d’échange est indigne d’une politique européenne, condamne fermement Yvan Ricordeau. Elle est même en contradiction avec les valeurs européennes de solidarité et celles du syndicalisme. » Le secrétaire national dénonce ce système d’échange qui selon lui viole les droits internationaux et va à l’encontre des traités européens. Les contreparties exigées par la Turquie, en position de force dans cet accord, portent sur deux points. Le premier est financier : l’Union européenne versera 3 milliards d’euros supplémentaires (elle s'est déjà engagée à verser 3 milliards) à la Turquie pour assurer l’accueil des migrants. L’intégration des trois millions de réfugiés a un coût estimé de 10 milliards de dollars par le gouvernement turc (lire l’encadré ci-dessous). Autre contrepartie : la réouverture du processus d’adhésion à l’Union, bloquée par la querelle autour de Chypre, et la liberté de circulation de ses ressortissants dans l’UE. « On ne peut pas cautionner le chantage d’un pays qui ne respecte pas les droits humains fondamentaux (NDLR : le journal d’opposition Zaman a été récemment mis sous tutelle) et qui a une position ambigüe dans le conflit du Proche-Orient, explique Yvan Ricordeau. Ce que veut imposer la Turquie à l’Union est dangereux. La CFDT et la CES seront très vigilantes sur les garanties données à la Turquie. »

    Gérer les frontières extérieures de l'UE

    Enfin, cet accord pointe les faiblesses et les incohérences de l’UE. « On fait appel aux Nations unies et à l’Otan pour venir en aide à la Grèce et à d’autres pays des Balkans parce que le reste de l’UE n’accepte aucune responsabilité », regrette Luca Visentini. « La stratégie de l’Allemagne qui a négocié seule cet accord démontre à nouveau l’incapacité de l’UE à donner une réponse commune et à gérer correctement ses frontières extérieures, ce qui devrait constituer une priorité », ajoute Yvan Ricordeau.

    dblain@cfdt.fr 

         


    “ Il faut trouver une solution humanitaire ”

    Kemal Özkan, secrétaire général adjoint d’IndustriAll*

         
         

    Le militant syndical turc Kemal Özkan renvoie l’Union européenne (UE) et le gouvernement turc dos à dos sur la question des réfugiés. « La première a un devoir de solidarité envers les réfugiés et le second, une grande responsabilité politique dans la situation de la Syrie. L’accord UE-Turquie ne constitue pas une réponse aux problèmes. Il faut trouver une solution humanitaire », explique Kemal Özkan. Il y a 2,7 millions de réfugiés enregistrés en Turquie, mais « en réalité, ce chiffre doit dépasser les 3 millions. Plus de 54 % des Syriens en Turquie sont des enfants de moins de 18 ans, 10 % des réfugiés vivent dans des camps dans le sud du pays », ajoute-t-il. Selon lui, « pour l’instant, la population turque [80 millions d’habitants] semble accepter l’intégration de ces réfugiés. Mais ces gens sont privés d’avenir. Ils ont de gros besoins en termes de santé et d’éducation. C’est un investissement très lourd. Le gouvernement estime le coût pour l’État à 10 milliards de dollars, sans compter les coûts pour les collectivités locales. Cela nécessite une coopération européenne importante ». L’intégration d’une partie des réfugiés a commencé : 400 000 d’entre eux ont déjà le droit de travailler. « Mais, prévient le syndicaliste,cela ne doit pas servir à tirer les droits sociaux vers le bas comme c’est déjà le cas dans certains secteurs. »Sur l’adhésion de la Turquie à l’UE, Kemal Özkan estime qu’elle devrait être dissociée de celle des réfugiés. « Ce serait une opportunité pour faire progresser la démocratie et les droits syndicaux dans ce pays qui connaît des dérives autoritaires depuis l’arrêt du processus d’intégration, affirme le militant, mais celui-ci ne doit pas se faire sur le dos des réfugiés. » 

    * IndustriAll est la fédération internationale des travailleurs des industries.




  • PUBLIÉ LE 21/03/2016 À 09H16par La Croix

    image

    Dans un long entretien accordé à La Croix daté du 21 mars 2016, Laurent Berger revienrt sur les avancées obtenues par la CFDT lors de la réécriture du projet de loi El Khomri et plaide pour plus de dialogue social.

    La loi Khomri a été réécrite et vous ne menacez plus de vous mobiliser contre elle. Comment est-on passé d’une loi à combattre à un compromis acceptable ? Iriez-vous jusqu’à dire désormais que c’est une bonne réforme ?

    On est passé d’une loi qu’il fallait réécrire à une loi réécrite. Elle est désormais potentiellement porteuse de progrès, même si elle reste à parfaire.

    À nos yeux cette réforme avait deux priorités : donner plus de marge à la négociation d’entreprise et de branche, et permettre que les droits suivent la personne tout au long de sa carrière indépendamment de son statut, grâce au Compte personnel d’activité (CPA). Mais quand la version initiale de la loi a été connue, il est apparu qu’elle contenait plusieurs mesures inacceptables.

    D’abord, même si le texte donne plus d’importance à la négociation – ce qui nous convient –, il disait aussi que, en l’absence d’accord, le droit qui s’appliquerait serait inférieur au droit actuel, en matière de temps de travail. Cela a disparu de la version réécrite, qui a aussi étoffé le CPA, à notre demande, et a généralisé la garantie jeunes.

    Enfin, s’étaient greffées sur cette réforme plusieurs mesures d’inspiration libérale, qu’on pourrait résumer par « pour embaucher plus il faut pouvoir licencier plus », et qui ne nous convenaient pas. C’était le cas du plafond des indemnités prud’homales, qui a été remplacé par un barème indicatif. Quant aux dispositions sur le licenciement économique, nous espérons qu’elles vont encore pouvoir évoluer dans le débat parlementaire.

    La CFDT a beaucoup pesé dans cette réécriture, à tel point que certains disent que vous êtes le vrai ministre du travail. On sait aussi que votre prédécesseur François Chérèque dirige Terra Nova, think tank proche du PS ; que Jacky Bontems, ancien numéro deux, conseille François Hollande ; qu’Anousheh Karvar, ancienne dirigeante, est directrice de cabinet adjoint de Myriam El Khomri… Cette proximité ne pose-t-elle pas problème ?

    Le parcours public des anciens de la CFDT, cela ne me regarde pas. Vous voudriez que François Chérèque aille garder des chèvres dans le Larzac pour finir sa carrière ? Anousheh Karvar a quitté la CFDT pour préparer l’entrée à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), puis elle a été recrutée là où elle a des compétences.

    Les gens qui ne s’accrochent pas à leur mandat ont quand même le droit d’avoir une carrière après ! S’il n’était pas extrêmement compliqué d’être recruté par une entreprise quand on a fait du syndicalisme, ce serait plus facile, croyez-moi.

    Pour ma part, je ne suis le soutien de personne et je n’ai ma carte dans aucun parti, ce que ne peuvent pas dire tous les dirigeants d’autres confédérations.

    Alors ça m’agace d’être caricaturé en ministre du travail. Ce n’est pas Laurent Berger qui pèse dans le débat, c’est la CFDT. Et si la CFDT pèse, c’est que, contrairement à certaines organisations qui critiquent tout le temps mais ne s’engagent jamais, à la CFDT, on accepte de s’engager. Parfois on dit non, parfois on dit oui.

    Dans le cas du projet de loi El Khomri, on a joué le rapport de force pour se faire entendre. Et quand je vois le collectif Alerte – qui rassemble des associations de lutte contre la pauvreté – dire qu’il y a des bonnes choses dans cette loi, je me dis qu’on n’est pas complètement à côté de la plaque.

    Considérez-vous, cependant, que, comme le disent certains, les partenaires sociaux n’ont pas été consultés sur cette réforme ?

    Honnêtement, sur le cœur de la réforme, à savoir la volonté de renforcer la place de la négociation collective par rapport à la loi, il n’y avait pas de volonté des partenaires sociaux de négocier.

    En revanche, sur les licenciements économiques, il y a eu des ratés. Ce qui est préjudiciable dans la période actuelle. Il y a un ras-le-bol, une exaspération, que je partage. Alors, quand on lance une réforme qui comme la loi El Khomri a de quoi faire réagir, ça peut partir très vite.

    Nous vivons un moment de forte fatigue démocratique. Quand on regarde les ressorts du vote extrême, on voit que les gens ont l’impression qu’on les laisse tomber. Plus que jamais, on a besoin d’espoir, d’explication. Et de dialogue social.

    En France, on a tendance à avoir un fonctionnement jacobin, à décider d’en haut sans faire confiance aux acteurs qui sont au plus près des réalités. Et il y a une terrible habitude des postures : il est plus facile d’être « contre » que d’être « pour ». Notre pays a besoin d’apprendre la culture du dialogue.

    Tout le monde n’est pas pour autant convaincu de la vertu du dialogue social pour réformer. À droite, plusieurs ténors semblent tentés par les ordonnances pour réformer dans la foulée de l’élection présidentielle de l’an prochain…

    Les candidats de droite sont en campagne pour la primaire. Ils ont besoin de dire qu’ils vont agir vite et seul. Je ne suis pas certain qu’ils le feront s’ils sont élus. Mais, au cas où, je dis qu’il faut faire attention. On est dans une société qui ne se sent pas très bien, où la confiance envers les dirigeants se réduit.

    Il y a un besoin énorme de délibération collective, d’exercice de la démocratie, comme dit Pierre Rosanvallon. Il n’y a pas d’autre voie pour réformer notre pays que le dialogue. On doit se parler, partager des constats, des analyses et essayer de trouver des solutions. Tous ceux qui voudraient faire autrement se trompent.

    Moi, en tout cas, je ne veux pas d’une société autoritaire ou en dehors du dirigeant et du peuple, il n’y a rien. La société doit se construire avec ses acteurs, ses corps intermédiaires. Et dans le monde du travail, les acteurs, ce sont les partenaires sociaux.

    Sur le fond, pour recréer de l’emploi, pensez-vous que notre marché du travail a besoin de flexibilité ?

    À la CFDT, nous n’avons jamais refusé de considérer le besoin de souplesse des entreprises. En 2008 et en 2013, nous avons signé des accords qui créaient des assouplissements pour permettre aux entreprises d’être compétitives. Mais, pour nous, ça ne doit pas se faire au détriment de la protection du salarié.

    Par exemple, je comprends que les entreprises ont besoin de prévisibilité. C’est pour ça que nous ne sommes pas opposés à un barème d’indemnités prud’homales indicatif. Mais nous sommes contre un plafond impératif car, quand il y a eu licenciement abusif, la réparation doit être à la hauteur du préjudice subit par le salarié.

    Il faut un cadre général pour tous, mais les entreprises ont besoin de trouver des solutions adaptées à leurs problèmes. Pour moi, le besoin de souplesse doit se faire par le dialogue social, car c’est le dialogue social qui permet de garantir que ces souplesses ne se feront pas au détriment des salariés. Il faut du dialogue social dans les branches pour éviter que les entreprises d’un même secteur ne se fassent concurrence par le social. Et il en faut dans les entreprises.

    À Toyota, où j’étais mardi, les partenaires sociaux ont négocié un accord sur l’organisation du travail, qui concerne aussi le travail le week-end, mais, en face, ils ont obtenu des contreparties, en termes d’emplois, de rémunération, de repos. C’est ça qu’il faut faire.

    Pensez-vous que pour lutter contre la dualité du marché du travail, il faut rendre le CDI plus souple ?

    Non, la flexibilité ne doit pas se faire sur le contrat de travail. Le CDI doit rester la forme normale du contrat. Et ce n’est pas en diminuant les droits des gens qui sont en CDI qu’on améliorera ceux des personnes qui sont en contrat précaire. Au contraire, il faut construire des passerelles. C’est ce que doit faire le CPA en permettant aux gens de passer d’une situation à une autre sans perdre des droits.

    De même, ce n’est pas en s’attaquant au CDI qu’on empêchera les employeurs de recourir aux travailleurs indépendants. Mais il faut mieux protéger ces travailleurs indépendants, avec une couverture sociale adaptée et en veillant à ce que le donneur d’ordre n’impose des conditions abusives. Avec notre fédération Conseil communication et culture, on est en train de travailler à la création d’une plate-forme qui leur permettra à la fois d’être défendus et d’avoir accès à des services.

    Au final, que faudrait-il faire qui n’a pas déjà été essayé pour recréer de l’emploi ? N’est-on pas face à un phénomène de chômage de masse durable ?

    Je ne crois pas qu’on soit condamné à un marché du travail low cost. Ni à la fin du salariat. Mais je ne crois pas non plus à la solution miracle, celle qui créerait des millions d’emplois. J’en ai assez qu’on me cite l’Espagne pour prouver qu’une réforme du marché du travail est la solution. Je rappelle que l’Espagne a un taux de chômage de 20 %.

    La vraie question, c’est quel type d’économie on veut. Je ne veux pas entrer dans le débat sur la politique de l’offre et la politique de la demande, je pense qu’il faut les deux. Je parle d’un économique qui conjugue performance économique et performance sociale.

    L’entreprise doit mettre la qualité du travail et des emplois au cœur de sa stratégie. Il faut également investir dans les besoins de notre société. Prenez les services à la personne. On sait qu’énormément de personnes âgées ont besoin d’aide. Or, on supprime des emplois à tour de bras en ce moment dans ce secteur et on n’investit pas dans la qualité de l’emploi.

    Même chose avec l’isolation thermique des bâtiments où l’on sait que le besoin est énorme. Pourquoi n’investit-on pas dans ces secteurs ? Ou encore avec le numérique, on sait que d’ici vingt ans, la moitié des métiers seront nouveaux. Il faut dès maintenant investir massivement dans la formation, et notamment celle des jeunes et des demandeurs d’emploi. On est face à un manque criant d’anticipation.



  • votre commentaire
  • PUBLIÉ LE 14/03/2016 À 18H44par Aurélie Seigne

    image

    Peser pour un changement en profondeur du texte : la stratégie de la CFDT a payé. Des pans entiers de l’avant-projet de loi El Khomri ont été réécrits que ce soit pour supprimer des mesures inacceptables ou pour intégrer de nouveaux droits.

    Depuis la révélation de l’avant-projet de loi El Khomri dans la presse, le 18 février dernier, la CFDT a tout fait pour peser sur le contenu du texte et le rééquilibrer en faveur des salariés. Une stratégie qui s’est avérée payante. Le nouveau projet de texte présenté par le Premier ministre Manuel Valls et la ministre du Travail Myriam El Khomri le 14 mars à Matignon, à l’issue de quinze jours de concertation avec l’ensemble des organisations syndicales, patronales et de jeunesse, comporte de substantielles avancées. Sous la pression des organisations réformistes, CFDT en tête, le gouvernement a cédé sur les indemnités prud’homales : exit le plafonnement ; c’est finalement un simple référentiel indicatif qui sera proposé aux conseils de prud’hommes.

    À droit constant si pas d’accord

    La CFDT a également obtenu gain de cause dans sa revendication d’un retour à droit constant si aucun accord n’est trouvé. « Le projet de loi ne changera donc pas les dispositions applicables aujourd’hui en matière d’astreintes, de durée du travail des apprentis, de durée hebdomadaire maximale de travail, de temps d’habillage et de déshabillage, de réglementation du temps partiel pour les groupements d’employeurs ou de fractionnement du repos quotidien », a indiqué Manuel Valls dans son allocution aux partenaires sociaux. 

    « Pas de souplesse sans accord collectif »

    La CFDT avait dénoncé la possibilité d’instaurer le forfait-jour sans passer par une négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés : la nouvelle version du texte prévoit que cela passe soit par le mandatement d’un salarié pour négocier un accord, soit par l’application d’accords-types conclus au niveau de la branche. C’est également uniquement par un accord de branche que le temps de travail pourrait être modulé au-delà d’un an – et non un accord d’entreprise comme initialement prévu. Enfin, il appartiendra à la branche de définir, par accord de méthode, les modalités de négociation dans l’entreprise si celle-ci ne l’a pas fait elle-même – ce qui renforce considérablement le rôle de tels accords, jugés essentiels par la CFDT.  « Il n’y aura ainsi pas de nouvelle souplesse qui ne sera pas validée par un accord collectif », a assuré le Premier ministre.

    Le licenciement économique sous contrôle

    Affirmant l’objectif d’un déploiement progressif de l’accord majoritaire pour valider les accords, le gouvernement a finalement décidé de réservé la possibilité de consulter les salariés, pour des organisations représentant 30% des voix, aux questions d’organisation du temps de travail.

    Concernant le licenciement économique, le gouvernement a maintenu le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques de l’entreprise. Mais à la CFDT qui soulignait le risque d’un dumping social entre salariés d’un même groupe, il a accordé des garanties : « Les grands groupes ne pourront pas provoquer artificiellement des difficultés économiques sur leur site français, pour justifier un licenciement, sans être sanctionnés ; nous modifierons la rédaction de l’article 30 bis en ce sens », a expliqué Manuel Valls.

    Un CPA avec de nouveaux droits

    Si l’encadrement des CDD a été renvoyé à la négociation en cours sur l’assurance-chômage, comme l’avaient demandé les organisations syndicales, le gouvernement a également entendu la demande de la CFDT d’enrichir le compte personnel d’activité pour en faire « un droit personnel et universel à la formation, un droit à la nouvelle chance pour tous », selon les propos du Premier ministre. Sur le modèle du crédit d’heures de formation supplémentaires pour les jeunes décrocheurs, les salariés peu qualifiés verront leurs droits à formation inscrits au CPA portés de 24 à 40 heures par an, dans la limite de 400 heures. L’objectif affiché du gouvernement est que ces salariés puissent franchir un niveau supplémentaire de qualification tous les dix ans, en plus des actions de formation engagées dans les entreprises. Le gouvernement a en outre chargé les partenaires sociaux de renforcer, au sein de la négociation sur l’assurance-chômage, les droits à formation des demandeurs d’emploi peu qualifiés. Le compte personnel d’activité a par ailleurs été enrichi d’un droit nouveau sous la forme d’un compte « engagement citoyen » qui permettra aux réservistes, responsables associatifs bénévoles ou maîtres d’apprentissage d’acquérir des heures de formation ou des jours de congés destinés à ces activités.

    Les organisations de jeunesse ont aussi été entendues : « De la même manière que nous créons, avec le CPA, un droit personnel et universel, a déclaré Manuel Valls, nous devons créer un droit universel à la garantie jeunes », le dispositif d’accompagnement renforcé vers l’insertion dont 100 000 jeunes doivent bénéficier dès 2017.

    Mobilisation et propositions ont pesé

    « Parce que nous nous sommes opposés, parce que nous nous sommes mobilisés, parce que nous avons fait des propositions, nous avons pesé sur l’avant-projet de loi », a estimé Laurent Berger à la sortie de la réunion à Matignon. Pour le secrétaire général de la CFDT, la réécriture du texte présentée par le Premier ministre permet au texte de revenir à ce qui aurait dû être sa philosophie dès le départ : « plus de droits pour sécuriser les parcours professionnels des jeunes, des salariés, des travailleurs et plus de place à la négociation collective pour construire, sur la base d’un ordre public fort, les droits les plus adaptés à la situation des salariés dans les entreprises ». Reste à vérifier que le texte qui sera transmis dans les prochains jours aux partenaires sociaux correspond bien aux annonces. Le Bureau national sera amené à vérifier que les engagements pris ce 14 mars par le gouvernement sont bien respectés. Auquel cas, a indiqué Laurent Berger, « ce texte peut s’avérer porteur de progrès pour tous ; c’est en ce sens que nous avons pesé ».


  •  

    publié le 03/03/2016 à 14H24 par Aurélie Seigne

    image

    À l’issue de la réunion intersyndicale du 3 mars sur l’avant-projet de loi El Khomri, CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Fage portent des revendications en commun pour modifier en profondeur le texte, lors de la concertation ouverte par le gouvernement. Avec à l’appui, un appel à des rassemblements le 12 mars.

    Peser sur le contenu de l’avant-projet de loi El Khomri : c’est la ligne adoptée par la CFDT depuis que le texte a été transmis au Conseil d’État. C’est la position qu’elle a tenue lors de la deuxième réunion intersyndicale sur le sujet, qui a réuni sept organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU et Unsa) et quatre organisations de jeunesse (Fage, FIDL, Unef et UNL) le 3 mars au siège de l’Unsa. À l’issue, CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Fage cosignent une déclaration commune de « contre-propositions visant à la construction de droits nouveaux, à la réécriture de certains articles inacceptables en l’état, dans la continuité de la déclaration intersyndicale du 23 février ». Et appellent « les salariés et les jeunes à se mobiliser, pour faire connaitre et appuyer leurs propositions », lors de rassemblements organisés partout en France le 12 mars, pour « faire pression sur le gouvernement entre les concertations bilatérales du 7 au 9 mars et la réunion des partenaires sociaux programmée le lundi 14 mars avec le Premier ministre ». Avec un mot d’ordre : « Faut que ça bouge ! »

    Neuf revendications pour peser en profondeur sur le texte

    En tête de leurs revendications, le retrait de la barémisation des indemnités prud’homales dues en cas de licenciement abusif et des mesures qui accroissent le pouvoir unilatéral de décision des employeurs. « Aucun forfait jour ou modulation ne peut être mis en place unilatéralement » en matière de temps de travail. Et « en matière de forfait jour, l’encadrement législatif proposé par ce projet de loi est trop faible et ne permet pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs », écrivent les cinq organisations. Elles réclament également qu’en matière de temps de travail, le supplétif (ce qui s’applique en l’absence d’accord collectif) maintienne le droit actuel, en particulier « en ce qui concerne les astreintes, le fractionnement des repos, le repos des apprentis mineurs… ». En matière de licenciement économique, les cinq signataires demandent le retrait du critère du périmètre national et la possibilité pour le juge d’apprécier la réalité des difficultés économiques de l’entreprise.

    Autres revendications, et de taille, « la réaffirmation du rôle intermédiaire et incontournable de la branche » – qui devait être le pivot de la réforme du code du travail préconisée dans le rapport Combrexelle – et « la reconnaissance du fait syndical quelle que soit la taille de l’entreprise ». Sur ce point, la CFDT demande la possibilité de mandater un salarié pour négocier un accord dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale.

    Les cinq organisations réclament également « des droits nouveaux » en matière de formation, d’apprentissage, de validation des acquis de l’expérience et de temps de travail, « notamment dans le cadre du CPA [compte personnel d’activité] dans lequel nous demandons la création d’un compte temps ». Quant à la réforme de la médecine du travail, elles préconisent de reprendre les propositions du Coct.

    La suite, fonction des réponses du gouvernement

    L’objectif des signataires est bien d’obtenir une modification « en profondeur » de l’avant-projet de loi lors de la concertation qui s’ouvre la semaine prochaine à Matignon, « afin de la rééquilibrer en faveur des salariés ». D’ores et déjà, CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Fage appellent les salariés et les jeunes à participer aux rassemblements organisés le 12 mars partout en France par leurs structures territoriales. Objectif : donner le poids maximal à ces contre-propositions. « Nous attendrons de voir la réponse que le gouvernement apportera à nos contre-propositions avant d’envisager la suite », a déclaré la secrétaire générale adjointe Véronique Descacq, qui a regretté que toutes les organisations présentes n’aient pas souhaité s’engager sur des propositions.

    En dépit des divergences d’appréciation et de stratégie pour peser sur le contenu, l’ensemble des organisations syndicales et de jeunesse ont par ailleurs d’ores et déjà prévu de se revoir à l’issue de la nouvelle phase de concertation avec le gouvernement, le 18 mars. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.

    aseigne@cfdt.fr



  • PUBLIÉ LE 23/02/2016 À 12H45par Aurélie Seigne

    image

    L’avant-projet de loi de la ministre Myriam El Khomri, qui doit mettre sur les rails la réforme du code du travail et le compte personnel d’activité, a mis le feu aux poudres. En cause, les (trop) nombreuses concessions aux revendications patronales.

    Cela fait des mois que l’encre coule au sujet du projet de loi que doit porter la ministre du Travail Myriam El Khomri. Au départ, ce devait être le véhicule législatif de la réforme préconisée par l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, dans son rapport « La négociation collective, le travail et l’emploi » : clarifier ce qui relève du code du travail et donner plus de place à la négociation collective en donnant « plus de souplesses aux entreprises mais pas moins de protections aux salariés », selon la promesse faite par le Premier ministre Manuel Valls à la remise du rapport. C’est le fameux code à trois étages : un socle de droits applicables à tous, un étage négociable et ce qui s’applique (le supplétif) en l’absence d’accord collectif, les branches devenant un acteur clé dans cette architecture. Une orientation à laquelle la CFDT, dont le dialogue social est inscrit dans l’ADN, ne peut que souscrire.

    Un texte déséquilibré

    Sauf que… Le contexte a vu se durcir les positions patronales à tous les niveaux. Et l’avant-projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », transmis le 17 février au Conseil d’État et aussitôt dévoilé dans la presse, s’est étoffé de nombreuses dispositions bien éloignées de la réforme initiale. La reprise in extenso, dans le premier article, des 61 principes fondamentaux du droit du travail énoncés par la mission Badinter en préambule au futur code du travail n’y suffit pas. « C’est potentiellement intéressant, mais ce n’est pas de nature à compenser les mesures prises par ailleurs », a estimé Laurent Berger, dans une interview au Monde du 20 février.

    En cause, les concessions aux revendications du Medef. Parmi celles-ci, deux articles sont particulièrement inacceptables pour la CFDT. L’article 30 prévoit ainsi le plafonnement des indemnités prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Comme le Conseil constitutionnel avait retoqué de la loi Macron le barème différencié selon la taille de l’entreprise, le gouvernement a opté pour un plafonnement uniquement fonction de l’ancienneté du salarié. Les plafonds vont de 3 mois pour un salarié ayant moins de 2 ans d’ancienneté à 15 mois pour plus de 20 ans d’ancienneté. Quels que soient la taille de l’entreprise, la situation du salarié et surtout la nature du préjudice subi !

    L’article 30 bis élargit quant à lui la définition du licenciement économique, possible en cas de mutations technologiques, mais aussi de réorganisation « nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité » ou de « difficultés économiques » (baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, importante dégradation de la trésorerie, ou « tout élément de nature à justifier de ces difficultés »). À la négociation de déterminer le nombre de trimestres consécutifs de baisse justifiant un licenciement économique. Faute d’accord, quatre trimestres de diminution des commandes ou un semestre de perte d’exploitation suffiront. Un niveau que Véronique Descacq,secrétaire générale adjointe de la CFDT, juge « bien trop bas pour inciter à la négociation ; c’est inacceptable ».Qui plus est, ces éléments seront appréciés au niveau de l’entreprise ou du territoire national. Une évolution que la CFDT juge dangereuse, craignant une fragilisation des salariés : « Un groupe pourrait alors très bien s’organiser pour que sa filiale française ait de moins bons résultats pendant un moment – même si le reste du groupe fonctionne bien en Europe – et organiser un plan social dans la filière française », met en garde Véronique Descacq.

    Ces mesures ont mis le feu aux poudres, combinées à une réécriture de la législation sur le temps de travail qui ne respecte pas le cahier des charges initial. Si beaucoup de contre-vérités ont été répandues sur cette partie du texte – comme la disparition du socle minimal de 24 heures pour les temps partiels ou des congés spéciaux, ce qui est faux –, plusieurs dispositions vont à l’encontre de la santé des salariés et de l’esprit même de la réforme : le texte prévoit ainsi le renvoi à la décision unilatérale de l’employeur, à défaut d’accord, sur de nombreuses modalités d’organisation du temps de travail et laisse entièrement à la main de l’employeur la question du forfait-jours dans les entreprises de moins de 50 salariés.

    Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

    La CFDT entend donc peser fortement auprès des parlementaires et de l’opinion publique pour « faire rectifier ce texte », selon l’expression de Laurent Berger. Car il n’est pour elle pas question de jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est-à-dire le renforcement de la négociation collective, à laquelle la CFDT tient – c’est pourquoi elle s’est déclarée favorable à des accords rendus majoritaires par consultation des salariés, à l’initiative d’organisations syndicales recueillant 30% des voix. Mais le maquis des 53 articles du texte recèle aussi nombre de dispositions positives : augmentation du nombre d’heures de délégation syndicale, possibilité d’utiliser le budget de fonctionnement du comité d’entreprise pour former les délégués syndicaux et du personnel, accès à l’intranet de l’entreprise pour la communication syndicale, sécurisation de la mise à disposition de locaux syndicaux, renforcement de la lutte contre le détachement illégal de travailleurs… Sans compter la mise en place du compte personnel d’activité, levier majeur de la sécurisation des parcours professionnels que la CFDT compte bien enrichir. En clair : le projet de loi doit sécuriser davantage les travailleurs sans céder aux « idées de libéralisation les plus farfelues du patronat » dénoncées par Laurent Berger.

    aseigne@cfdt.fr





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique